CLAP DE FIN POUR L’OCLVO !

 

C’est l’histoire de 63 ans de combats associatifs à travers la fermeture de l’OCLVO (Œuvre communale Laïque des vacances d’Octeville) qui s’arrête au nom de l’harmonisation et des marchés publics, choix politique retenu par la ville de Cherbourg en Cotentin pour la rentrée de septembre 2022.

 

Si le grand public ne connaît pas forcément l’OCLVO, des générations de familles octevillaises et des quartiers prioritaires de la ville, elles, savent combien celle-ci a été importante dans l’accompagnement de leurs enfants.

 

Fermer les portes de cette association historique ce n’est pas seulement licencier trois salariés, c’est fermer un service de proximité, un lieu de formation et d’apprentissage en s’amusant, un espace d’échanges et de partages, d’accompagnement des familles. C’est un coup dur pour les tenants d’une éducation populaire émancipatrice au service de l’égalité. Parce qu’elle refuse une libéralisation juridique, une association historique d’Octeville est donc amenée à tirer le rideau. Longtemps, la laïcité, le droit aux vacances, l’accessibilité financière, la solidarité ont constitué le cœur des débats entre les membres de l’œuvre et les élus municipaux. Aujourd’hui, d’obscures procédures administratives et une précipitation politique qui interroge, interrompent une longue et riche histoire.

 

 

 

Située au cœur du quartier des Provinces au sein de la Maison Olympe de Gouges, l’OCLVO accueille tous les ans, durant les vacances scolaires, plus de 450 familles dont plus d’un tiers ont des revenus annuels inférieurs à 10 000 euros ; ce sont aussi plus de 500 enfants qui sont accueillis sur trois sites (Marie Lamotte, le village des enfants, le centre Picquenot) et en séjours (colonie et mini-camps).

Précurseur… avant les « vacances apprenantes » !

 

 

Pour la petite histoire, L'OCLVO est créée en 1959 et reprend la philosophie du projet du Patronage Laïque d'Octeville des années 30 : « l’école des vacances » encadrée bénévolement par des instituteurs des écoles laïques octevillaises sur la période estivale accompagnés de moniteurs/rices.

 

 

C’est à cette longue histoire de l’Education populaire qu’appartient notre association. Celle-ci n’a jamais dérogé aux valeurs de ce mouvement en inscrivant l’accueil collectif de mineurs au sein des temps libérés, comme des réponses à une demande sociale, une conquête issue des luttes ouvrières, un espace éducatif d’expérimentations complémentaire de l’école.

 

Au fil des ans, l’OCLVO s’est développée en défendant l’accès aux vacances pour tous, l’épanouissement personnel de l’enfant, l’apprentissage de la citoyenneté et des séjours qui privilégient le relationnel plutôt que les logiques consuméristes. Notre particularisme s’affiche également dans la défense du volontariat comme espace d’expérimentations et d’engagement pour les équipes pédagogiques qui participent à l’encadrement de nos séjours. Celles-ci sont en effet essentiellement constituées d’animateur/rices volontaires à savoir majoritairement des jeunes qui donnent de leur temps pour réfléchir et concevoir collectivement un projet de vacances collectives pour les enfants, en échange d’une indemnisation.

 

 

Longtemps « paramunicipale », l’OCLVO est devenue au début des années 2000, indépendante tout en conservant une implantation sur Octeville, puis Cherbourg-Octeville et aujourd'hui Cherbourg-En-Cotentin.

Alors pourquoi ce projet d’émancipation s’arrête-t-il ?

Parce qu’il y a eu des choix, des choix indépendants de notre volonté. Certains diront qu’ils se sont imposés.

 

● Le changement d’échelle administrative du territoire où l’on est passé de communes autonomes puis déléguées avec la création d’une entité politique et administrative : Cherbourg en Cotentin.

 

Jusqu’au milieu des années 2000, les élus disposaient d’une bonne connaissance de l’association, de ses missions et des services apportés aux familles et à leurs enfants, avec une confiance sans cesse renouvelée au conseil d’administration de l’OCLVO. Cela n’a plus été le cas ensuite.

 

● Le volontariat s’est délité, l’engagement a muté, professionnalisant le secteur de l’animation.

 

 

A cette distanciation municipale et ces mutations se sont invitées les règles du marché et son vocabulaire : le marché, l’efficacité, l’évaluation, la rentabilité. On parle désormais d’entreprises associatives...

En avril 2022, la ville de Cherbourg-en-Cotentin a lancé un appel à la concurrence, statuant le recours à la marchandisation pour l’encadrement de l’activité qui concerne l’OCLVO, à savoir l’extrascolaire. Désormais l’arsenal juridique se fait l’avocat des municipalités pour dialoguer avec les militants, les bénévoles, les salariés.

 

Sauf que le marché n’est pas adaptable au monde associatif. Comme le disent si bien nos coordonnateurs Guylaine Bourdonnais et Nicolas Durchon : « Comment peut-on penser qu’une association puisse combiner performances économiques et performances sociales ? »

 

C’est regrettable et indécent ! Notamment dans cette période d’inégalités criantes, de défis politiques, avec une hausse de l’intolérance et de rejet de la diversité. Autant d’éléments qui  nous rappellent combien la proximité et les services publics sont fondamentaux. Combien le vivre ensemble, l’éducation, la culture sont indispensables à la communauté.

 

Parce que les marchés publics ne sont pas garants des ambitions et des valeurs que nous défendons, l’association, par son conseil d’administration unanime et ses salariés, a pris la décision de ne pas répondre à cet appel d’offre. Ce refus implique donc sa dissolution au dernier trimestre de l’année 2022.

 

Enfin, à l’argument de la Ville qui consiste à dire : « Nous n’avons pas le choix », nous répondons, certes dans la douleur, que nous avons fait le choix de dire non ! De dire non à la marchandisation du temps libre. Un autre modèle était possible. Et compte tenu des réflexions en cours sur une agence locale de la commande publique (engagement de l’équipe municipale en 2020), quelle urgence y avait-il à aller aussi vite ? A qui fera-t-on croire qu’une association avec 63 ans d’expériences faisait soudain courir un risque juridique grave à la commune de Cherbourg en Cotentin ? Un choix politique a donc été fait. Aux conséquences concrètes, une perte de savoir-faire, la perte d’une expérience intergénérationnelle unique.

 

Les membres de l'OCLVO : bénévoles, salariés, militants.